Einstürzende Neubauten, Potomak, 2007/9, FAB, 2007.
Qu'on se le dise dès le départ: Einstürzende Neubauten est un groupe que j'affectionne et dont je suis le parcours depuis une bonne dizaine d'années. Par leurs recherches sonores constantes (et les résultats uniques de celles-ci), et par la profondeur des paroles de leur frontman Blixa Bargeld, ils nous donnent une des productions les plus intellectuellement stimulantes de notre époque.
Fondé en 1980 par Bargeld, entouré à l'époque de collègues aux pseudonymes intéressants (Beate Bartel et Gudrun Gut), le groupe a connu 3 incarnations. La 2e a pris place très rapidement, avec l'arrivée en 1981 du bassiste Mark Chung, et surtout du percussioniste F.M. Einheit, qui a largement contribué à construire l'identité sonore du groupe grâce à l'emploi de percussions métalliques et d'outils variés. Je recommande en particulier l'album Tabula Rasa et la pièce qui le conclut, Headcleaner, pour avoir une idée claire de la sonorité de cette période.
Le nouvel album, arrivé très discrètement sur les tablettes, est typique de la 3e phase du groupe, celle que je connais probablement le mieux, puisqu'elle se déroule à peu près à partir du moment où j'ai commencé à me procurer régulièrement leurs nouvelles parutions.
Einstürzende Neubauten est la seule formation que je connaisse à avoir besoin d'indiquer à chaque pièce, et non pour l'ensemble de l'album, quels ont été les instruments utilisés par chacun des membres: «large processed metal sheet», «amplified metal bass spring», «jet turbine», «chaos pad», «drilled metal percussion», etc. Cette longue énumération n'est qu'un avant-goût.
La première pièce s'intitule Die Wellen, les Vagues en français. Dans une entrevue consultée sur Youtube, Blixa Bargeld indique que le son a volontairement été mis à un niveau très faible au début de cette pièce, pour que l'on ait envie de monter le volume. Si bien que lorsque le long cresendo aboutit, on ressent toute la puissance à laquelle le groupe nous a habitués.
La variété sonore contribue grandement à la richesse de l'album. Nagorny Karabach contient quelques accords de guitare produits à l'aide d'un e-bow, archet électronique. Le résultat est très délicat, au point où l'on pourrait confondre guitare électrique et synthétiseur. Von Wegen (Des Voies) débute avec quelques violons en pizzicato, mais éventuellement Blixa part en boucle sur le son wegenwegenwegen... accompagné par la basse et un bass drum très lourds, l'effet est saisissant. Ensuite, on entend quelques murmures, et on repart en grand, dans un déluge de cordes.
D'ailleurs, les cordes sont ici très bien utilisées. Comme dans le cinéma hollywoodien, elles servent vraiment de vecteur d'émotion. Comme dans Susej par exemple, où Blixa s'adresse à lui-même 25 ans plus tôt. La pièce est d'ailleurs basée sur un riff percussif de guitare enregistré à cette époque, dans le 2e sous-sol d'un studio de Hambourg.
Je ne sais pas si Neubauten comptaient recruter un nouveau public avec Alles Wieder Offen (qui a d'ailleurs été produit grâce au soutien des abonnés à leur site web, sans implication de la moindre compagnie de disques). Mais je crois qu'il s'agit d'un album intéressant pour commencer à découvrir le groupe, puisqu'on a l'impression de faire une visite guidée de certains thèmes d'aciens textes. Unvollstädigkeit, qui à 9:01 est la pièce épique du disque, revient sur les idées de Redukt (de l'album Silence is Sexy, de 2000), où Blixa se demandait à quel point il pouvait se délester de ses organes pour que son corps conserve une intégrité, une identité. Aujourd'hui, il fait le grand ménage. Et ça fait du bruit. Et il se retrouve, enfin: une enveloppe vide. Et ouverte.