Portishead. Island, 9780251766405, Universal, 2008.
À la première écoute, le troisième album de Portishead est à la fois étrange, sombre et beau. Très différent de ce qui l'avait précédé, aussi. Comme quoi le temps a passé. Le cours de l'histoire a même changé depuis 1998, année de parution de la dernière galette du groupe, qui ne comportait d'ailleurs aucune nouvelle composition.
Il est rassurant de constater que la voix de Beth Gibbons est restée aussi belle.
C'est vraiment du côté de la composition et des choix sonores que la différence se fait sentir. Il est clair que l'époque où Tricky, Morcheeba, et autres Massive Attack monopolisaient les hebdos culturels est chose du passé. Portishead en prend bonne note. Bien que la notoriété du groupe contribuera à sa diffusion (qui devrait être très large), cette musique ne peut plus servir de tapisserie sonore dans une boutique de vêtements. Tout y est plus froid, aride, inquiétant. C'est de la musique qui s'écoute, à distinguer de celle qui s'entend. Moins de basses envoûtantes et de claviers sensuels; plus de samples froids (Machine Gun), de bruits difficiles à identifier (Plastic). On a même droit à une pièce pour voix et mandoline, sans aucun traitement électronique(Deep Water).
En termes d'ambiance, on est passé de la trame sonore d'une peine d'amour, ou encore de celle des activités horizontales de certains, à une ambiance de lecture de journal. Comparons simplement deux chansons bien connues. Malgré le temps, il m'est toujours difficile d'écouter Roads sans avoir des larmes aux yeux (aussi subtiles soient-elles) et sans que mon torse se balance en suivant le rythme.
Maintenant, écoutons Machine Gun, premier extrait du nouvel album. Il me semble qu'ici tout se passe dans la tête. Je suis hors du groove et de la mélodie, comme je peux me sentir hors du monde par moments. Lorsqu'on écoute les nouvelles et qu'on a l'impression de ne plus arriver à suivre, d'être dépassé par les guerres et les famines que l'on n'arrive même plus à compter. L'impression de vivre dans une bulle.
Heureusement, Portishead n'a pas passé les dernières années dans un tel isolement, et ne nous livre pas un album des années 90 en retard. Il s'agit vraiment, même si la chose n'est pas toujours douce à nos oreilles, d'une écoute nécessaire. Portishead nous donne à nouveau la musique d'une époque.
mardi 29 avril 2008
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