jeudi 30 octobre 2008
À peine entré dans la Maison de la Société Radio-Canada, je me trouvais en terrain connu: une belle grosse vente de livres, cds et dvds usagés. En fait, il s'agissait d'une vente de copies promotionnelles reçues par (ou pour?) le personnel de l'endroit. Disons qu'on parle d'une quantité hallucinante de matériel, bien plus que ce qu'un disquaire peut voir passer dans un petit magasin (ce qui est déjà raisonnable).
Je me suis donc procuré:
- Paranoid Park, de Gus Van Sant.
- The Besnard Lakes Are the Dark Horse.
- Courtepointes, d'Arseniq33.
- Un nouvel arrangement des Variations Golberg, scellé.
Le tout pour 10$ bien comptés.
Et la journée ne faisait que commencer.
Mme Giroux et son équipe nous accueillaient donc chez eux, dans le studio où l'émission est produite quotidiennement. Et cet endroit, à force d'écouter l'émission, est aussi un peu chez nous. Bref, c'est sûr que tout le public (nous étions 11) était content d'être là. Mais je crois que l'équipe aussi était contente de nous voir - c'est du moins l'agréable impression qui nous était donnée.
Je pense que j'ai certaines tendances control freak. Du genre que je prends très vite l'habitude de faire les choses dans le même ordre, aux mêmes heures, selon les mêmes méthodes. C'est peut-être ce qui explique mon amour des bibliothèques et des librairies, des endroits très ordonnés où j'ai passé au moins quelques heures ces dernières années.
J'étais donc aux anges dans ce studio, un environnement très contrôlé où tout est organisé à la seconde près. Les gens qui y travaillent n'ont pas le caractère rigide pour autant: tout le monde a l'air très relax, de vrais poissons dans l'eau. Vous vous rappelez de la fantastique entrée en scène de Garrison Keillor dans A Prairie Home Companion? Même ambiance de complète assurance ici.
Bref, un très bel après-midi, en compagnie de Tristan Malavoy-Racine, Jacinthe Dompierre (mère et auteure des textes de Catherine Major), Nelson Mainville, Alfa Rococo et Luce Dufault, et où le hasard m'a fait croiser Catherine Major, Stanley Péan et Louise Forestier.
Pour les occasions que j'ai de faire du name-dropping, je ne vais pas me priver!
mardi 28 octobre 2008
Un avant-goût de l'Adisq
Le gala de l'Adisq fait comme l'hiver, et s'approche de nous à grands pas. Certains gagnants sont même déjà connus - bravo entre autres à Gatineau et Karkwa.
J'ai donc envie de me donner un léger défi, et d'y aller de mes choix et prédictions pour la soirée télévisée de dimanche prochain.
Ceux à qui je souhaite de gagner se retrouvent en italiques, alors que ceux qui ont selon moi le plus de chances de gagner sont en gras.
Album de l'année – meilleur vendeur
Duos Dubois, Artistes Variés
Nos lendemains, Isabelle Boulay
Les saisons s'tassent, Kaïn
Dangereuse Attraction, Marie-Mai
L'album du peuple – tome 7, François Pérusse.
Pas de choix ici. C'est même pas une catégorie digne de ce nom, de toute façon, puisque l'artiste a déjà été récompensé par les ventes en question. On ne donne pas de prix Nobel à la personne la plus riche? La même règle devrait s'appliquer ici.
Album de l'année – Pop-Rock
Les Autres, France D'Amour
Escalader l'ivresse, Alexandre Désilets
Revenir à toi, Marc Dupré
Tous les sens, Ariane Moffatt
Qu'on se lève, Jonathan Painchaud
Les qualités d'écriture de Désilets ne vont que s'améliorer avec le temps, selon moi. Attention au deuxième, ça va marcher. Sinon, Ariane Moffatt l'emporte, loin devant les trois autres choix, qui n'ont jamais capté mon attention.
Album de l'année – Populaire
Lever l'ancre, Alfa Rococo
Nos lendemains, Isabelle Boulay
Loin de la lumière, Gregory Charles
En concert dans la forêt des mal-aimés, Pierre Lapointe
Rose Sang, Catherine Major
Rose Sang a plu à énormément de mes clients, ce qui me porte à le voir comme un gagnant naturel ici, même si je n'ai pas été conquis. Par contre, l'Adisq aime tellement faire monter Isabelle Boulay sur scène, qu'on sait bien ce qui va se produire.
Album de l'année – Rock
Le taureau, Rudy Caya
Le ciel saigne le martyre, Anik Jean
Les saisons s'tassent, Kaïn
Ma Peau, Éric Lapointe
Dangereuse Attraction, Marie-Mai
Je dis ça, mais je pense que je dormais ce jour-là. Moi qui me voyais pourtant comme un rocker... où sont mes Wolf Parade et Plants and Animals?
Auteur ou compositeur de l'année
Urbain Desbois
Diane Dufresne
El Motor
Karkwa
Catherine Major
C'est leur année, définitivement. On ne peut pas passer à côté d'un album aussi fort que le Volume du vent. Et justement, c'est la qualité d'écriture qui fait la force de cet album, qui n'est apparemment pas encore connu à l'étranger - et je me demande sérieusement pourquoi.
Groupe de l'année
3 gars su'l sofa
Alfa Rococo
Kaïn
Karkwa
Les Respectables
Voir ci-haut.
Révélation de l'année
Alfa Rococo
Rachid Badouri
Annie Blanchard
Alexandre Désilets
Gatineau
Radio Radio
Parce que je pense que les gens vont se tanner vite d'Alfa Rococo (c'est peut-être déjà le cas?), et que le meilleur reste à venir pour Désilets. Le peuple choisirait sans doute Blanchard, mais la machine Quebecor roule si vite qu'on l'aura oubliée demain.
Spectacle de l'année – Auteur-compositeur-interprète
L'échec du matériel, Daniel Bélanger
Les saisons s'tassent, Kaïn
Dangereuse attraction live, Marie-Mai
Le repère tranquille/ Solo, Vincent Vallières
La sacrée rencontre, Gilles Vigneault, Les charbonniers de l'enfer
C'est l'année Karkwa, mais aussi l'année Bélanger. Peut-être que Vigneault et ses collègues pourraient lui faire compétition, mais je me risque.
Spectacle de l'année – Interprète
Le party des fêtes à Lapointe, Artistes variés
Ta route est ma route, Isabelle Boulay
Demi-jour, Luce Dufault
Le monde à Lambert, le Bébert Orchestra
50 ans d'amour, Michel Louvain
Comme ça, Marie-Élaine Thibert
Pour l'occasion de rendre hommage à un artiste en fin de carrière. La loi Boulay s'appliquera-t-elle?
VOTE POPULAIRE
Chanson populaire de l'année
Lever l'ancre, Alfa Rococo
Ton histoire, Isabelle Boulay
Chanson pour Marie, Nicola Ciccone
Oh mon chéri (le ciel saigne le martyre), Anik Jean
1500 miles, Éric Lapointe
Mentir, Marie-Mai
Je veux tout, Ariane Moffatt
Pousse, Pousse, Jonathan Painchaud
Café Lézard, Vincent Vallières
Minuit, Andrée Watters
Interprète féminine de l'année
Isabelle Boulay
Laurence Jalbert
Marie-Mai
Ariane Moffatt
Marie-Élaine Thibert
Vous vous rappelez la fois avec le maquillage de Corneille? C'était cute, hein? Allez, on la refait!
Interprète masculin de l'année
Daniel Bélanger
Gregory Charles
Nicola Ciccone
Pierre Lapointe
Vincent Vallières
Et vraiment, ici, les autres le suivent de loin. D'ailleurs, il serait peut-être temps que Lapointe nous fasse un autre album, en studio et à large diffusion; pas un truc limité, live, remix ou exclusif: un vrai best-seller.
Et vous? C'est qui qui va gagner, vous pensez?
vendredi 24 octobre 2008
Le disquaire à Fréquence libre!
Je dois dire que je suis très heureux et excité d'avoir obtenu ce privilège. D'autant plus qu'il paraît que l'émission tire à sa fin, chose que je déplore vraiment. Je la déplore comme un drogué qui apprend que sa drogue n'existera plus dans quelques semaines, en fait.
J'assisterai donc à l'émission, qui aura Alfa Rococo et Luce Dufault comme invités. Je peux imaginer passer un jeudi de congé en moins bonne compagnie, mettons.
lundi 20 octobre 2008
Post mortem
Paraît qu'on avait des raisons de fermer le Spectrum. Paraît qu'on voulait le détruire pour mettre autre chose à la place. Paraît qu'il était dans le chemin, qu'il avait fait son temps, qu'on avait besoin de l'espace.
Un an plus tard, le cadavre du Spectrum était toujours à pourrir sur la place publique, comme les pendus d'autrefois. Pas évident de savoir quelle leçon on a cherché à nous donner par cette image. On aurait pas pu profiter de l'endroit encore un an?
Voilà les idées que j'avais en tête il y a un mois, en passant au centre-ville. Cette semaine, j'ai constaté que le travail est commencé. Et je me demande ce que ma ville va devenir. Je me cherche un refuge.
Parce que vous savez ce qui s'en vient à la place. Et parce que je ne veux pas oublier Calogero, B.A.R.F., Banlieue Rouge, les Secrétaires Volantes, Galaxie 500, the Residents, Einstürzende Neubauten, Michel Rivard, the Tea Party, Monsieur Toad, et tous les autres artistes que j'ai pu voir sur ces planches.
dimanche 19 octobre 2008
Trois petits tours
J'ai d'abord eu l'impression d'aimer le nouveau Fersen. Peut-être par fierté, peut-être par chauvinisme. Peut-être parce que j'ai l'habitude d'apprécier l'équipe qui a confectionné ce disque (Fortin, Langevin, Thouin, etc.). Le son est généralement sympathique, léger, drôle même (Chocolat, Ce qu'il me dit). Par contre, on sent un essouflement, un manque d'inspiration et une molesse à d'autres moments (les Mouches).
Je suis un chaud partisan des albums organisés, avec un thème central fort. Et j'avoue que le voyage offre de très belles possibilités, permettant par exemple une ouverture sur les différentes musiques du monde. Par contre, Fersen, en choisissant la valise comme synecdoque (la partie désignant le tout), enlève de nombreuses possibilité. Si la valise fait le tour du monde, disons qu'ici on fait rapidement le tour de la valise. C'est d'ailleurs lorsqu'il nous parle d'un autre objet (Ukulele) que Fersen nous offre ses plus beaux vers.
Mon avorton de guitare
C'est ma guitare porte-clé
C'est ma guitare de poupée
Bref, un album un peu décevant, surtout losque comparé au gigantesque Pavillon des fous, ou aux classiques qui l'ont précédé. Certains d'entre eux étaient repris sur le très divertissant Best of de poche/ Gratte-moi la puce, pour voix et deux ukulélés. Et dans cette très grande simplicité, on entendait encore la majesté des arrangements originaux; c'est dire à quel point ceux-ci marquent la mémoire.
Je reste donc malgré tout optimiste pour Fersen. Je suis très impatient de voir comment il reprendra ce léger dérapage contrôlé.
mercredi 15 octobre 2008
Petit édito de lendemain de veille
Le Canada se retrouve plus à droite depuis ce matin, et ça me déprime vachement. On a vu des coupures en culture dans les derniers mois, et certains artistes se sont brillamment exprimés sur le sujet pendant la campagne électorale, malheureusement sans grand résultat.
J'entends donc aujourd'hui certaines personnes affirmer que les artistes ne sont pas assez engagés. Que toute création devrait amener le créateur et le spectateur à réfléchir à leur époque. Bref, que la conscience sociale devrait suinter de partout. Qu'on devrait faire comme les artistes des années 60, 70, comme Mes Aïeux, les Cowboys Fringants, etc.
Dans ce cas, il faudrait se demander pourquoi ces artistes se battent. Pour la souveraineté du Québec dans certains cas, ou contre la violence, pour la justice sociale ou l'environnement, etc. J'ai le plus grand respect pour le travail des gens qui font avancer ces causes par un moyen ou un autre, qu'on me comprenne bien.
Seulement, le débat des derniers mois ne se trouvait pas exactement là. Le gouvernement conservateur a coupé les fonds à des artistes ou des projets vus comme contraires à l'ordre public, ou ne représentant pas les soi-disant valeurs canadiennes.
Ce que j'ai compris, et ce que je crois personnellement, c'est que les artistes (comme tous les acteurs du milieu) se battent maintenant pour ne plus avoir des jobs de représentants des valeurs canadiennes. Pour ne plus avoir à représenter quoi que ce soit, en fait. Pour pouvoir simplement créer librement. Est-ce que ces deux mots sont si menaçants?
L'artiste, pour moi, n'est pas un politicien, un militant, un journaliste, un éditorialiste, un analyste politique ou que sais-je encore. Si aucun artiste ne devait faire de la création pure (j'emploie ce mot faute de mieux), qui vise simplement et directement l'émotion, si aucun batteur n'essaie d'avoir le meilleur groove, si aucun acteur n'essaie de me faire pleurer, si je n'ai plus envie de danser...
...si l'art en tant que tel n'existe plus, c'est que la politique aura pris le dessus.
Et on se demandera pourquoi on s'est battus.
lundi 6 octobre 2008
Un peu de numérologie
Vérification faite, 1928 est une année importante pour les arts, la culture, et ce genre de choses impopulaires auprès de notre gouvernement (désolé, c'est mon humeur pour la semaine). Année importante, car c'est celle de la naissance de Serge Gainsbourg.
Et de Jeanne Moreau. Et du pianiste Fats Domino. Et de Monique Leyrac. Et de Pauline Julien. D'Annie Cordy, aussi. Sans oublier Line Renaud. Et un certain Stanley Kubrick. De même qu'Andy Warhol. Et Karlheinz Stockhausen. Raymond Lévesque. Ennio Morricone. Noam Chomsky. Philip K. Dick. Gilles Vigneault. Et peut-être d'autres, tant qu'à y être?
Est-ce qu'elles sont toutes comme ça, ou bien il s'est passé quelque chose? C'est assez pour m'étourdir, en tout cas.
dimanche 5 octobre 2008
The Long Tail
The Long Tail de Chris Anderson (la Longue traîne dans sa traduction française) est paru en 2005, et a pas mal fait jaser depuis. Anderson est le rédacteur en chef du magazine américain Wired, consacré à l'informatique et à la technologie.
J'ai bien l'impression que ce livre pourrait changer la façon dont je vois le marché du disque dans son ensemble. Parce que c'est ce que l'auteur fait: décrire comment le marché s'est transformé entre sa naissance au milieu du XXe siècle et la révolution internet, au cœur de laquelle nous nous situons toujours.
Donc, au départ, les choses étaient simples, particulièrement au niveau de la quantité d'information disponible. Les stations de télé et de radio étaient peu nombreuses, de même que les journaux. Les autres sources d'information pouvant conduire le public à l'achat de musique enregistrée étaient négligeables. De plus, grâce à de merveilleux procédés tels que Payola, il était facile pour les compagnies de disques de savoir, même de décider de ce qui serait populaire et de ce qui ne le serait pas.
Mais le facteur le plus important ne faisait pas partie des décisions des grandes entreprises. La limite était à la fois physique et technique. On en était toujours à l'enregistrement analogique, sur disque vinyle et éventuellement sur ruban. L'objet physique était ce que les gens se procuraient. L'espace contenant cet objet de 12 pouces de diamètres en général, était un lieu physique, un espace possédant des limites.
Cette dernière phrase sonne comme une blague, mais en fait, c'est le principal enjeu. Dans les années 1990, les magasins passèrent graduellement au cd, ce qui leur permit de tenir plus de stock dans un même espace. Mais le cd amenait en même temps une autre transformation, beaucoup plus importante: le numérique.
Car une fois les données contenues sur le cd transférées sur un disque dur, bien, plus besoin du cd. Et si on n'a plus de galette de plastique à vendre, pourquoi avoir un magasin? Pourquoi avoir un entrepôt, un réseau de transport? Et surtout, pourquoi se limiter à quelques titres?
J'essaie vraiment de faire court ici, alors voilà où nous en sommes: avec des entreprises telles que iTunes, on se retrouve avec un stock infini. Tout est toujours disponible, accessible, rien n'est jamais égaré ou en rupture de stock. Et comme le client est plus informé que jamais grâce aux médias traditionnels mais aussi à tous les blogues, radios internet et que sais-je encore, il y a de la demande pour tout.
Bref, faire des affaires en ne vendant que les gros titres n'est plus la règle d'or aujourd'hui. Selon ce que j'ai compris du livre, c'est en ayant le plus large choix possible qu'une entreprise peut réussir. L'avenir est dans le créneau très précis, et dans l'art de créer la rencontre entre le client et le produit.
Je pense qu'on est en train de vivre exactement ce que Chris Anderson décrit. Il nous reste maintenant à savoir comment trouver le succès dans cette nouvelle économie.
Et il va sans dire que je vous recommande cette lecture.
ANDERSON, Chris. The long tail : why the future of business is selling less of more, New York, Hyperion, 2006, 238 p.