dimanche 25 novembre 2007

Alles Wieder Offen

Einstürzende Neubauten, Potomak, 2007/9, FAB, 2007.


Qu'on se le dise dès le départ: Einstürzende Neubauten est un groupe que j'affectionne et dont je suis le parcours depuis une bonne dizaine d'années. Par leurs recherches sonores constantes (et les résultats uniques de celles-ci), et par la profondeur des paroles de leur frontman Blixa Bargeld, ils nous donnent une des productions les plus intellectuellement stimulantes de notre époque.


Fondé en 1980 par Bargeld, entouré à l'époque de collègues aux pseudonymes intéressants (Beate Bartel et Gudrun Gut), le groupe a connu 3 incarnations. La 2e a pris place très rapidement, avec l'arrivée en 1981 du bassiste Mark Chung, et surtout du percussioniste F.M. Einheit, qui a largement contribué à construire l'identité sonore du groupe grâce à l'emploi de percussions métalliques et d'outils variés. Je recommande en particulier l'album Tabula Rasa et la pièce qui le conclut, Headcleaner, pour avoir une idée claire de la sonorité de cette période.


Le nouvel album, arrivé très discrètement sur les tablettes, est typique de la 3e phase du groupe, celle que je connais probablement le mieux, puisqu'elle se déroule à peu près à partir du moment où j'ai commencé à me procurer régulièrement leurs nouvelles parutions.


Einstürzende Neubauten est la seule formation que je connaisse à avoir besoin d'indiquer à chaque pièce, et non pour l'ensemble de l'album, quels ont été les instruments utilisés par chacun des membres: «large processed metal sheet», «amplified metal bass spring», «jet turbine», «chaos pad», «drilled metal percussion», etc. Cette longue énumération n'est qu'un avant-goût.


La première pièce s'intitule Die Wellen, les Vagues en français. Dans une entrevue consultée sur Youtube, Blixa Bargeld indique que le son a volontairement été mis à un niveau très faible au début de cette pièce, pour que l'on ait envie de monter le volume. Si bien que lorsque le long cresendo aboutit, on ressent toute la puissance à laquelle le groupe nous a habitués.


La variété sonore contribue grandement à la richesse de l'album. Nagorny Karabach contient quelques accords de guitare produits à l'aide d'un e-bow, archet électronique. Le résultat est très délicat, au point où l'on pourrait confondre guitare électrique et synthétiseur. Von Wegen (Des Voies) débute avec quelques violons en pizzicato, mais éventuellement Blixa part en boucle sur le son wegenwegenwegen... accompagné par la basse et un bass drum très lourds, l'effet est saisissant. Ensuite, on entend quelques murmures, et on repart en grand, dans un déluge de cordes.


D'ailleurs, les cordes sont ici très bien utilisées. Comme dans le cinéma hollywoodien, elles servent vraiment de vecteur d'émotion. Comme dans Susej par exemple, où Blixa s'adresse à lui-même 25 ans plus tôt. La pièce est d'ailleurs basée sur un riff percussif de guitare enregistré à cette époque, dans le 2e sous-sol d'un studio de Hambourg.


Je ne sais pas si Neubauten comptaient recruter un nouveau public avec Alles Wieder Offen (qui a d'ailleurs été produit grâce au soutien des abonnés à leur site web, sans implication de la moindre compagnie de disques). Mais je crois qu'il s'agit d'un album intéressant pour commencer à découvrir le groupe, puisqu'on a l'impression de faire une visite guidée de certains thèmes d'aciens textes. Unvollstädigkeit, qui à 9:01 est la pièce épique du disque, revient sur les idées de Redukt (de l'album Silence is Sexy, de 2000), où Blixa se demandait à quel point il pouvait se délester de ses organes pour que son corps conserve une intégrité, une identité. Aujourd'hui, il fait le grand ménage. Et ça fait du bruit. Et il se retrouve, enfin: une enveloppe vide. Et ouverte.

jeudi 27 septembre 2007

Coeurs

Jérôme Minière, La Tribu, TRICD-7270, Select, 2007.


Mes premières rencontres avec Jérôme Minière furent plutôt tièdes. La nuit éclaire le jour qui suit ne m'avait plu qu'à moitié, facile à trancher de par sa nature d'album double, moitié chanson, moitié instrumental.


Encore aujourd'hui, je connais assez peu l'homme et son oeuvre. J'ai par contre fait connaissance avec les objets intrigants que sont la Complainte d'un produit de l'imagination, La jeunesse est vieille comme le monde, ou encore Mes amis sont les meilleurs produits dans leur catégorie. Honnêtement, je ne connais cette dernière que par son titre, un accomplissement en soi. Ça me suffit pour l'instant; j'en tire une grande satisfaction intellectuelle. Mais je sais que je devrai un jour aller vérifier le contenu.


Le dernier cru de Minière arrive presque par surprise, un an à peine après son travail intéressant avec Michel Faubert. On l'ouvre, on écoute pour voir (comme dirait une certaine station de radio...). Et on continue d'écouter. Et on n'arrête plus. On s'y sent chez soi, et on n'a plus envie d'en sortir.


On remarque tout d'abord le son. Très doux, le son. Fait d'une large dose de violoncelles (Mélanie «Magnolia» Auclair) et de guitares accoustiques (Minière pour l'essentiel, mais notons bien la présence d'un certain René Lussier). Tout est aéré, tout respire avec aisance, même les quelques touches d'électronique. Les couleurs d'instruments sont à des kilomètres de distance des platitudes qu'on nous offre par ailleurs, de Kaïn à James Blunt, mais sans jamais être déroutantes. Une beauté particulière.


Le gars a une façon assez particulière d'exprimer des émotions connues. Dans Trains, premier extrait: «Avoir été cynique n'a pas suffi/ (...) C'est un bonheur de croire à tant de choses». Dans l'ambiance générale de l'album, dans ses bruits de la vie quotidienne. Dans le sommet de bonheur qu'est Disque Dur Miniature, où l'on entend des voix d'enfants, «Tous les gens que j'aime/ Tous les sons qui m'enivrent». Et l'effet est contagieux. Une chanson qu'on a envie de serrer dans ses bras.

jeudi 30 août 2007

The End of History

Fionn Regan, Lost Highway, B000913502, Universal, 2007.


Je voudrais aimer ce disque, mais je peine à y arriver. J'ai pourtant l'impression que tous les ingrédients sont là, mais sans que je comprenne pourquoi, ça ne lève pas.


Une étiquette sur l'emballage compare le jeune homme à la fois à Nick Drake (touchant ainsi une corde très sensible chez moi) et à Bob Dylan (ce qui n'est pas rien non plus). À partir de ce moment, on porte attention. On écoute, on se renseigne. On fait jouer en magasin, on constate que ça attire l'attention des gens. Et on fait jouer encore.


La chose est agréable à entendre, mettons-nous d'accord là-dessus. Les mélodies sont bien tournées. La voix, généralement seule, est parfois accompagnée de quelques sonoritées plus féminines. La guitare, habituellement en solo, se marie à un piano assez rond, très joli.


Peut-être me suis-je créé une sorte de sainte trinité en matière de folk. Drake, José González, Elliott Smith. Vous pouvez acheter mon âme avec ces trois noms. Par contre, Elvis Perkins, Damien Rice et compagnie me laissent de glace. Je ne sais pas pourquoi, je n'ai même pas eu la motivation pour commencer à chercher à comprendre.


Peut-être qu'il faudra le suivre. Peut-être qu'avec plus de maturité, il réussira à me donner le coup de poing au ventre qui manque à ce premier album.

samedi 25 août 2007

Rio Baril

Florent Marchet, Barclay/ Universal, 9845492, DEP, 2007.


J'ai souvent l'impression d'une certaine homogénéité chez les chanteurs francophones, chez les Français en particulier. Peu de voix; musiques correctes, rarement plus; facilité à parler de l'amour et autres bons sentiments, à faire sourire.


Comme ses confrères, Florent Marchet se remarque d'abord par l'écriture. Quand on entend un chanteur français qui se met à nous dire, sur un ton agréable, «Je suis sous les draps/ Dégage de là/ Pourquoi tu fais ça/ Et ta voix, je ne la reconnais pas», bien disons qu'on reste surpris. Et on essaie d'écouter plus.


On entre donc à Rio Baril, ville imaginaire que ce film pour les oreilles nous fera découvrir. Le maire remercie «Philippe Katerine (patron du Louxor)» et «Dominique A (homme politique proche de l'horizon)». Nous voilà situés. On rencontrera également la famille du personnage principal, dont on est heureux de ne pas faire partie: «Mon père vient de se barrer sans même prendre le temps de gifler ma mère./ Cette fois-ci, il ne reviendra plus, a-t-il dit./ Mon cul.»


Déprimant, certes. Mais le tout est si bien arrangé (par M. Marchet lui-même), avec force cuivres et cordes, qu'on n'a pas envie de lâcher ce tour de ville. Espérons donc que le tsunami de la rentrée ne fera pas suffoquer cette belle trouvaille.

mercredi 22 août 2007

L'échec du matériel

Daniel Bélanger, Audiogram, ADCD10202, Select, 2007.

Oui, je sais, tout a été dit. Mais bon. Il faut bien se faire la main quelque part.

Après en avoir vendu des centaines de copies, je dois me l'avouer: j'aime ce disque. Comme le gars a pris environ un an de plus pour parfaire la production, de mon côté, j'ai pris le temps de l'écouter avant d'en parler. Et je n'ai pas fini de l'écouter.

Contrairement à tout le monde, je n'étais pas déjà un fan l'hiver dernier. J'ai du chemin à ratrapper, entre la chanson à texte période Opium et les envolées instrumentales en Spoutnik. Il reste que l'expérience même d'écouter cet album, d'y plonger, de le traverser, en est une très agréable.

La texture y est pour beaucoup. Comme l'éclairage très doux d'une pièce qui empêcherait de voir la peinture mal appliquée sur les murs. Le degré de finition sonore de cet album est impressionnant. On entre vraiment en contact avec le coeur des chansons, avec ce que le gars a à dire.

Des choses comme "...Et je suis seul dans mon salon", ou même des lignes de guitares, où à chaque fois on a la même impression, celle d'un tout homogène, d'un même discours qui se poursuit. Et c'est ça qui fait qu'on embarque, justement. On commence avec le premier extrait radio, qu'on aime encore, et après, tout coule. À aucun moment n'a-t-on envie de quitter le train.

Bref, si les ventes pouvaient toujours être aussi représentatives de la qualité d'un disque, on serait pas mal plus heureux.