jeudi 6 août 2009

De la conception et de l'exécution

En musique populaire, la création d'une œuvre est assez fréquemment divisée en trois tâches: auteur, compositeur et interprète. Ces trois rôles peuvent être assumés par une seule personne, ou répartis à raison d'une personne (ou même plus) par tâche. L'industrie, la critique et le public sont habitués à ce fonctionnement, et ne s'étonnent pas de ses différents agencements. Peut-être que l'interprète qui est également auteur et/ou compositeur gagne un peu plus de respect ou d'admiration, mais les conséquences sont somme toute minimes.

Quelle est la situation en arts visuels? Elle me paraît totalement différente. Bien sûr, on sait maintenant que Raphaël était en quelque sorte une entreprise fabriquant des œuvres - une marque de peinture, pour ainsi dire. Plus récemment, on sait aussi que certains artistes (Richard Serra, Christo, Sol Lewitt) sont plutôt des concepteurs que des fabricants/ artisans, imaginant des objets artistiques fabriqués en usine, par des ouvriers, suivant leurs instructions précises.

Les objets sculpturaux résultant de cette démarche ne dégagent généralement pas l'impression que le spectateur est en contact avec l'âme, les tripes du créateur. On reste volontairement dans un esprit industriel, dans le domaine de l'objet artificiel (ceci dit sans aucune intention péjorative).

Par contre, je crois qu'il se produit quelque chose de complètement différent dans le domaine du chant. Lorsque Catherine Durand interprète un texte de Tristan Malavoy-Racine, ou que Chloé Sainte-Marie chante Gaston Miron ou Patrice Desbiens, on oublie (parfois complètement) l'auteur. Si l'œuvre est réussie, le spectateur prend part au jeu qui implique que l'interprète est la personne qui vit ce qu'elle chante. Comme si chanter et vivre étaient deux actions voisines.

Donc, en arts visuels. Serait-il concevable que quelque chose d'aussi senti, d'aussi vivant qu'un Pollock ou un tableau automatiste soit conçu et réalisé par une équipe de travail? Qu'il y ait un concepteur et un interprète? Que les tâches menant à la réalisation de l'œuvre soient attribuées par un administrateur? Que les couleurs soient choisies par des actionnaires? Que le résultat soit évalué selon des critères d'émotion et d'esthétique, correspondant à une grille objective construite à l'avance?

En tout cas, j'aimerais bien voir ça.

mardi 4 août 2009

Je hais l'été

En fait, c'est faux. J'aime la chaleur et je suis presque un mordu de vélo. J'aime la verdure, les parcs, et le fait de pouvoir en profiter sans encombre.

Ce que je déteste de cette période, c'est qu'elle en est une de sevrage pour les drogués d'information culturelle dans mon genre. Bien sûr, il y a tous ces concerts. Mais il suffit de déménager, et d'avoir un peu de pluie, et le FIJM n'existe plus.

D'autre part, l'industrie du disque cesse de nourrir ses rejetons durant quelques mois. On n'a rien à se mettre sous la dent. Et les gens n'achètent presque rien, mais là, c'est l'œuf et la poule. Est-ce qu'on se dit "les gens sont à la plage, alors attendons avant de sortir un disque, ils ne l'achèteront qu'en septembre de toute manière", ou bien les gens ont-ils vraiment ce comportement? Est-ce l'industrie qui réagit au public, ou le public qui est guidé dans son comportement par l'industrie?

Mais le pire problème de la saison - et ici je sais que je me joins à un chœur -, c'est la couverture culturelle dans les médias. Le Devoir s'en tire pas trop mal, quoique je ne le lis plus que la fin de semaine. Cyberpresse sent le besoin de nous informer d'une nouvelle tendance émergente et prometteuse nommée crowd surfing. Tout le monde rapporte tous les propos de l'entourage de Michael Jackson, que tout le monde trouve si intéressant depuis son décès.

Côté radio et télé, disons que la société d'état n'est pas vraiment en train de donner l'exemple. Après la disparition de la chaîne culturelle, on cherche les miettes. L'absurdité de la situation repose sur le fait que la programmation reste intéressante par ailleurs. Pierre Maisonneuve et Michel Desautels sont incollables en actualité. Par leurs émissions, on a un portrait riche et complet des questions abordées. On a la sensation que l'on a fait appel à notre intelligence.

Donc, pourquoi, lors du Téléjournal, obtiens-je une couverture satisfaisante des dossiers locaux et internationaux, avec journalistes sur place, alors que la culture n'a rien? Une minute de reportage, 15 secondes par sujet, avec une musique de fond pour faire plus entertainment. Désolé, mais pour moi, un exposition, tout comme une pièce de théâtre, un concert et que sais-je encore, est un sujet tout aussi important qu'une élection, et mérite qu'on l'aborde avec sérieux. À quand un travail d'analyse sur un concert par un journaliste qualifié?

Et quand, de grâce, engagera-t-on des chroniqueurs qualifiés (i.e. compétence, expertise et autres synonymes) plutôt que cutes et souriants?

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Il est bien important, à mon avis, de faire la différence entre culture et divertissement. Ce dernier est particulièrement bien couvert par les médias de masse. TVA et Quebecor dans son ensemble, les quotidiens gratuits, les nombreuses radios commerciales s'en occupent, et suffisent amplement à la tâche. Par ces médias, les gens qui veulent ce type d'information voient leur besoin comblé.

Le mandat de la SRC se situe ailleurs, et certains de ses administrateurs l'oublient. Je veux bien que l'émission du dimanche soir serve à payer les factures. Mais y aurait-il moyen qu'une fois ces factures payées, on ait droit à quelque chose d'un peu plus exigeant que Pyramide ou des Kiwis et des Hommes?