lundi 19 mai 2008

Bleu pétrole

Alain Bashung. Barclay/ Universal, 5305929, DEP, 2008.

Il m'est assez difficile de trouver une façon cohérente de parler de ce disque. Ça fait un moment que j'essaie, et là, je me lance. Le disque est cohérent dans le son, dans l'ambiance, mais ses thèmes sont si opaques qu'ils sont difficiles à cerner, et leur effet est si grand qu'on ne veut le minimiser. De toute façon, l'éblouissement et la lucidité ne sont pas synonymes, alors bon.

Deux caractéristiques importantes de ce disque sont ses réalisateurs: Marc Plati et Gaëtan Roussel. Le premier a produit le dernier disque des Rita Mitsouko, le dernier (quelconque) Anik Jean, et a également travaillé sur la plupart des disques de David Bowie des dix dernières années. Et disons que c'est en plein là-dedans qu'on se situe au niveau du son. Quelque chose de très propre, à la limite de l'impersonnel, mais avec une bonne puissance qui prend aux tripes à l'occasion. Les nombreuses guitares, banjo et autres lap steel donnent aussi à l'album une certaine couleur nord-américaine.

Gaëtan Roussel a, de son côté, participé à l'écriture de six des onze pièces, et c'est là qu'on sent la présence du chanteur de Louise Attaque. Si les chansons de Gérard Manset peuvent être lourdes dans leur splendeur, celles de Roussel (dont Hier à Sousse et Sur un trapèze, mes préférées et certainement les deux plus entraînantes du disque) amènent un peu d'air frais. Parce que, disons-le, Bashung n'est pas toujours facile à digérer.

Le gars a vraiment un charisme immense. Même sans le voir, on est complètement hypnotisé par sa voix. Plus qu'un chanteur, au sens de personne capable de produire des mélodies avec sa voix, il est un grand passeur d'émotion, un communicateur, une courroie de transmission. En fait, je pense parfois à son travail comme à celui des poètes grecs. Bashung est, au fond, un orateur, quelqu'un qui se sert de la parole pour transmettre un texte – et quels textes dans ce cas-ci!

Malgré mon admiration, je trouve que le disque se serait passé de Je tuerai la pianiste. Son rythme insistant et ses images poétiques violentes ou inintéressantes (où un européen se compare à un apache... ) donnent fortement envie de sauter à la prochaine piste. Comme quoi tout le monde peut se tromper.

Il reste que Bleu pétrole est un grand et beau disque. Des chansons qu'on écoute des dizaines de fois avant d'en faire le tour. Et, détail qui peut paraître futile mais auquel je tiens, ces pièces sont placées dans un ordre qui les avantage sérieusement. Toute fonction random ou son équivalent devrait être laissée de côté.

Bref, souhaitons-lui bon rétablissement (ces images sont tristes à voir, mais j'ai cru que vous voudriez savoir comment il va), et qu'il ne prenne pas six ans avant de sortir un autre disque. Il y a déjà trop peu de gens comme lui.

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